Epidémie ou pandémie ?
Les épidémies sont limitées à un territoire ou à une population à la différence des pandémies qui se propagent rapidement à l’ensemble du monde. Et d’autant plus rapidement de nos jours avec la généralisation des communications inter-continents.
La première pandémie décrite est la « peste de Justinien ». Au VIème siècle de notre ère, une épidémie de peste bubonique se déclare en Ethiopie et va frapper très rapidement Alexandrie, le grenier à blé de l’Empire romain. Elle se répand par voie maritime sur tout le pourtour méditerranéen et gagne par voie terrestre le « Moyen-Orient » puis l’Asie Mineure puis atteint Constantinople, capitale de l’Empire Byzantin. A la fin de la première vague, la population de Constantinople a été réduite de moitié.
En 2020, une pandémie se déclare. Partie de la Chine, elle s’étend très rapidement à l’ensemble du monde : la Covid-19. Les connaissances scientifiques, les technologies, la médecine de notre époque ne peuvent être comparées à celles de l’époque de Justinien. Mais une chose n’a pas changé en 1500 ans, c’est le comportement des hommes et des sociétés face à la « peste ».
Du déni aux conséquences économiques
Au début, on n’y croit pas. Comment peut-on imaginer que quelques cas isolés, par ci par là, pourront se transformer en raz de marée.
Et puis, très vite, le seuil critique est atteint, et le déni laisse la place à la panique.
La maladie frappe vite, attaquant tout d’abord les plus faibles, les plus démunis, mais très vite la mort est aveugle. Tout le monde est concerné, la mort frappe au hasard, collectivement, sans raison. Chacun a peur pour lui et les sociétés ont la terreur de disparaitre.
Alors, on cherche le pourquoi. Et les rumeurs circulent. Déjà au VIème siècle, l’historien Procope met en garde contre les explications simplistes comme par exemple les punitions divines.
Dès cette époque, on comprend que l’origine de cette peste est liée aux déplacements de soldats, aux échanges commerciaux (les premières villes touchées étant les ports) et aux pèlerinages religieux.
Procope constate également un fait sociologique important qui se confirmera par la suite : les pandémies déstructurent les sociétés, détruisent les liens sociaux et enrichissent les survivants. Ce délitement du lien social entraîne nihilisme et hédonisme. Lors de la grande peste du XIVème siècle, le Décaméron de Boccace en est une illustration : de riches oisifs se racontent des histoires en attendant la mort. La licence est totale (Eros / Thanatos). Il n’y a plus ni Bien ni Mal ; peut-être même pas de Dieu. En effet s’il s’agissait de l’œuvre de Dieu pourquoi frapperait-il sans discernement les religieux ou les animaux qui n’ont pas d’âme ?
En Avignon, les morts sont si nombreux que le pape bénit le Rhône ou on jette les morts.
A propos, savez-vous que le terme « croque-mort » vient du « croc » une sorte de longue pince qui servait à tirer les pestiférés.
Après cette grande peste, le monde sera profondément modifié. Ce sera l’époque de la Réforme, de la Renaissance, le rapport à l’argent évolue, prémices du capitalisme. Cette pandémie en a-t-elle été une cause ?
Les autorités, tout d’abord dans l’attentisme, prennent par la suite des mesures drastiques pour limiter la propagation de la maladie.
Assurer la sécurité sanitaire des citoyens est la responsabilité des dirigeants. C’était déjà une préoccupation dans l’Empire romain comme en témoignent des pièces de monnaie à l’effigie d’Esculape.
Lors de la peste de 1720, on construit des murs à Marseille, véritables cordons sanitaires.
Les incertitudes dues à la maladie qui se propage et dont les virus mutent rapidement laissent peu de place à l’anticipation et imposent des décisions rapides impliquant une restriction des libertés. Cela génère un stress collectif et des épisodes de révolte.
On va chercher des boucs émissaires parmi les « populations différentes » : ce furent souvent les lépreux, puis les juifs. Avec ces derniers, on faisait d’une pierre deux coups : ils étaient souvent banquiers : en les éliminant, on effaçait les dettes.
Les pandémies sont des moments propices au développement de complots. Déjà, durant la grippe espagnole en 1918, il y eut aux USA des « anti mask meeting », comme durant la Covid-19.
Les rumeurs les plus folles se propagent. Les allemands auraient propagé le virus de la grippe espagnole via des boites de conserve : la 1ère guerre bactériologique en somme.
Même à notre époque où les causes de la propagation des virus sont comprises, ces pandémies sont toujours anxiogènes car c’est un ennemi invisible et sournois.
Synthèse de la conférence éponyme organisée à Lamorlaye (Oise) le 21 mai 2022.
Un buffet, accompagné d’une séance de dédicaces du livre de notre intervenant Stanis Perez, a clos cette conférence.
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