Une oeuvre : La chatte

Ce bref roman raconte en huit chapitres la relation entre Alain et Camille, deux jeunes gens de familles aisées qui se connaissent depuis l’enfance, s’apprécient et se marient.

Mais Alain est si épris de sa chatte Saha, que Camille bienveillante au début, devient jalouse et se met à la détester. Que va-t-il se passer ?

Alain, fils unique, est très attaché à sa mère, à sa maison et à son jardin. Le voici seul avec sa chatte.

« La brise de mai passait sur eux, courbait un rosier jaune qui sentait l’ajonc en fleurs. Entre la chatte, le rosier, les mésanges par couples et les derniers hannetons, Alain goûta les moments qui échappent à la durée humaine, l’angoisse et l’illusion de s’égarer dans son enfance. »

Les premières semaines après le mariage se passent assez bien : « Alain et Camille vivaient doucement, assagis et ensommeillés par la chaleur et la volupté. »

Puis l’inconciliabilité se révèle.

Comme la chatte, restée avec la mère d’Alain, s’ennuie et dépérit, Alain l’emmène dans l’appartement où il vit avec Camille.

D’abord plutôt bienveillante avec la chatte, celle-ci se rend compte de la profondeur de l’attachement d’Alain pour Saha, qu’il considère presque comme une femme, l’observant avec amour.

« D’un bond vertical, montant dans l’air comme un poisson vers la surface de l’eau, la chatte atteignit une piéride bordée de noir. Elle la mangea, toussa, recracha une aile, se lécha avec affectation. Le soleil jouait sur son pelage de chatte des Chartreux, mauve et bleuâtre comme la gorge des ramiers.

«  Saha ! »

Elle tourna la tête et lui sourit sans détour.

«  Mon petit puma ! Bien-aimée chatte ! Créature des cimes ! Comment vivras-tu si nous nous séparons ? »…

Puis, il souhaite que Camille ne vienne pas habiter dans sa maison d’enfance que des ouvriers viennent pourtant d’arranger pour le couple.

Un jour, il surprend des paroles malveillantes de Camille devant une bêtise de Saha.

Dès le mois de Juin, la vie à deux -ou plutôt à trois- devient difficile. Alain était « vaguement inquiet chaque fois qu’il laissait ensemble, seules, ses deux femelles. »

Alors que Saha est souvent vue comme une femme, Camille elle, devient « une femelle ».

Le dernier chapitre du livre, le huitième, révèle la jalousie de Camille.

«  Je vous ai vus ! cria-t-elle. Le matin, quand tu passes la nuit sur ton petit divan… Avant que le jour se lève, je vous ai vus, tous deux… »

« Assis, tous les deux… vous ne m’avez même pas entendue ! Vous étiez comme ça, la joue contre la joue… »

Après le geste irréparable de Camille, (Avez-vous deviné lequel ?), le couple se sépare pour inconciliabilité … Sous le regard médusé de Camille, Saha devient humaine et Alain s’animalise :

« Si Saha, aux aguets, suivait humainement le départ de Camille, Alain à demi couché jouait, d’une paume adroite et creusée en patte, avec les premiers marrons d’août, verts et hérissés. »

Les torts sont partagés : L’amour d’Alain pour sa chatte est extrême, la jalousie de Camille extrême aussi.

Est-il impossible de concilier l’amour pour un humain et l’amour pour un félin ?

Pour Baudelaire aussi, le choix a peut-être été difficile… car dans son esprit les images féminine et féline se confondaient.

  Baudelaire : Le Chat (les fleurs du mal)

«  Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux ;

                  Retiens les griffes de ta patte,

Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,

                  Mêlés de métal et d’agate.

Lorsque mes doigts caressent à loisir

           Ta tête et ton dos élastique,

Et que ma main s’enivre du plaisir

            De palper ton corps électrique,

Je vois ma femme en esprit. Son regard,

             Comme le tien, aimable bête,

Profond et froid, coupe et fend comme un dard.

              Et, des pieds  jusques à la tête,

Un air subtil, un dangereux parfum

              Nagent autour de son corps brun. »

Un auteur : Colette

Nous célébrons cette année les 150 ans de la naissance de Colette (1873-1954), l’un des plus grands écrivains français du XXe siècle.

Née en Puisaye, dans le département de l’Yonne, elle s’installa à Paris avec son premier mari l’éditeur et critique musical Henry Gauthier-Villars qui lui fit connaître les intellectuels et les artistes de son temps. Divorcée, elle devint mime, vécut avec la marquise de Morny, fréquenta les cercles saphiques. Journaliste au Matin, elle épousa le directeur Henry de Jouvenel, un diplomate et un homme politique de premier plan dont elle séduisit le fils.

Mariée pour la troisième fois, elle habita jusqu’à sa mort un appartement qui donnait sur le Jardin du Palais Royal, continuant à écrire œuvres autobiographiques, nouvelles et romans. Elle eut des funérailles nationales.

Voici quelques titres de ses œuvres, dans l’ordre chronologique :

La série des Claudine, la Vagabonde, les Vrilles de la Vigne, Chéri, le Blé en herbe, la Maison de Claudine, Sido, Gigi, le Fanal bleu…

Son roman La Chatte date de 1933.

Colette est alors âgée de 60 ans. Divorcée d’Henry de Jouvenel, son deuxième mari, en 1925, elle a rencontré la même année Maurice Goudeket, négociant en pierres précieuses devenu journaliste, qu’elle épousera dix ans plus tard.

Un an auparavant, en 1932, elle a ouvert à Paris, puis à Saint- Tropez où elle a une maison, un institut de beauté dont le succès durera peu de temps.

Elle fait des tournées de conférences dans de nombreuses villes de France sur son expérience du music- hall et de la création littéraire. Elle est officier de la Légion d’honneur et, en 1936, elle entrera à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique.

Elle est donc un écrivain reconnu.

Pour en savoir plus:

La chatte – Les amis de Colette