Samedi 15/06/2024 nous avons visité quelques lieux hantés de l’ile de la cité :
les cours de miracle (et oui il y en avait plusieurs) ; l’ile aux juifs (qui était située sur la partie méridionale de l’actuel square du Vert-Galant) où fut brulé le grand maitre templier Jacques de Molay ; la maison d’Héloïse et Abélard ; Notre-Dame où Victor Hugo puisa son inspiration ; et plein d’autres endroits aussi riches d’histoire(s).
Cela m’amène à vous décrire un autre site hanté de Paris : les Buttes-Chaumont. Elles ont un passé bien sombre. En effet, à ses pieds se dressait autrefois le célèbre gibet de Montfaucon, le plus grand de Paris.
Dans le 10e arrondissement de Paris, la rue de la Grange-aux-Belles (près de la place du colonel Fabien) est d’une affligeante banalité. Rien ne distingue les immeubles en briques des numéros 53 et 55, et pourtant, combien de fantômes hantent ces lieux où s’élevait jadis le gibet de Montfaucon ?
C’est Saint Louis, le premier, qui décide d’ériger un gibet en bois en ce lieu. Il choisit une petite éminence dominant la route du Nord, à l’écart de Paris. Le gibet sert à pendre les condamnés, mais aussi et surtout à exposer les cadavres de tous les criminels décapités, écartelés, noyés, enterrés vivants ou même bouillis dans d’autres lieux de la capitale et ce jusqu’à cinquante cadavres simultanément. Histoire d’avertir quiconque aurait des envies criminelles.
On a même pendu au gibet de Montfaucon des porcs ayant dévoré des enfants, après les avoir revêtus d’habits d’homme par décence… C’est Enguerrand de Marigny, le chambellan de Philippe le Bel, qui fait remplacer le gibet en bois par une construction en pierre, plus solide. Le malheureux aura le privilège de les expérimenter trois ans plus tard, condamné pour malversation financière et sorcellerie.
En permanence, des gardes se tiennent autour du gibet pour empêcher les parents des pendus de décrocher les cadavres. Parfois même, des barbiers-chirurgiens et des sorciers tentent de s’emparer d’un corps, soit pour l’autopsier, soit pour fabriquer des philtres magiques.
Les dernières exécutions datent de 1630, puis les lieux sont cédés à des exploitants de carrières de plâtre. En 1760, le gibet est démoli. Trente ans plus tard, les derniers piliers sont abattus.
Quand le gibet de Montfaucon a cessé d’exister, vers 1760, la ville de Paris décide de l’aménagement d’une décharge principale. La voirie de Montfaucon.
Elle sert de fosse pour enfouir les immondices urbaines, les déchets organiques des Parisiens (ordures ménagères et déjections tirées des fosses d’aisance).
Mais elle se couvre aussi d’ateliers d’équarrissage, de boyauderie, de boucherie chevaline, de bassins pour la poudrette (un engrais produit à partir de matières fécales).
En 1784, on y amène 25 équidés par jour, 9125 par an. En 1852, on compte 12 000 chevaux et 25 000 à 30 000 petits animaux tels que chats ou chiens, par an.
La crinière et les crins de la queue des chevaux sont coupés, puis vendus aux cordiers, bourreliers, tapissiers. La peau est envoyée aux tanneurs. Les carcasses dont on ne fait rien sont laissées à terre, bientôt recouvertes de milliers d’asticots… qui, eux aussi, trouvent preneurs chez les pêcheurs. Rien ne se perd …
Bien sûr, la grande voirie de Montfaucon est envahie par les rats !
Résultat de toutes ces activités, l’air est empoisonné : de l’hydrogène sulfuré, de l’hydrosulfate d’ammoniac se dégagent en vapeur. Il arrive, parait-il, que des oiseaux, passant au-dessus des buttes, tombent raides morts.
Dans les environs immédiats des buttes, les murs, les planches, les maisons, tout est rongé par la décomposition.
… Bref, c’est l’enfer sur terre, aux portes de Paris.
En 1817, une ordonnance royale décrète le transfert de la voirie de Montfaucon dans la forêt de Bondy, le long du canal de l’Ourcq.
Un déménagement qui n’arrive finalement qu’en 1845.
En 1849, quand la voirie de Montfaucon est définitivement supprimée, la ville de Paris crée à La Villette un immense « dépotoir » (c’était son nom), dans lequel toutes les matières sont apportées puis mises en communication avec le canal de l’Ourcq.
Sources :
- Le nouveau Paris, histoire de ses 20 arrondissements.
- Alexis Parent-Duchatelet. Hygiène publique (tome 1). 1836.
- Donald Reid. Égouts et égoutiers de Paris. Presses universitaires de Rennes, 2019.
- Alexandre Baudrimont. Dictionnaire de l’industrie manufacturière, commerciale. 1833.
- Louis Fleury. Cours d’hygiène fait à la faculté de médecine de Paris (tome 1). 1852.