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Les femmes oubliées

Mathématicienne de génie, ses travaux ont rendu possible la construction de la Tour Eiffel. Pourtant, parmi les noms des 72 savants ayant permis cet exploit, gravés sur un des piliers de la Dame de fer, le sien n’y figure pas…

Sophie naît à une époque où les filles reçoivent peu d’éducation et celle-ci est totalement centrée sur leur future condition d’épouse. L’enseignement des matières scientifiques et du latin n’est destiné qu’aux garçons. Sophie apprend seule, en parfaite autodidacte, dans la bibliothèque de son père où la lecture d’un livre sur l’histoire des mathématiques va la bouleverser. Elle se passionne pour cette science et apprend également le latin pour lire autant d’ouvrages qu’elle peut. Elle travaille jour et nuit et arrive à la conclusion que les livres qu’elle étudie ne parlent que des mathématiques du passé. Or, elle veut s’intéresser à la science de son temps, celle qui est enseignée dans la prestigieuse Ecole Polytechnique qui accueille les plus grands scientifiques de l’époque. Mais ses portes sont résolument fermées aux femmes (et le resteront …. jusqu’en 1972).

Comment apprend-elle qu’un élève, un certain Antoine Auguste Le Blanc, n’assiste pas aux cours, l’histoire ne le dit pas. Elle usurpe donc cette identité et c’est ainsi qu’elle participe de façon épistolaire aux cours de mathématique, renvoyant les feuilles de discussion et de problèmes. Ses remarques pertinentes sont remarquées par Joseph-Louis Lagrange (un des fondateurs du système métrique). Lorsqu’ils se rencontrent, Sophie craint les foudres du Professeur. Tout au contraire, celui-ci est très admiratif par tant de génie et il lui ouvre les portes de deux autres célèbres mathématiciens, Adrien-Marie Legendre et Carl Friedrich Gauss. Mais Sophie souffre d’isolement, de ne pas faire partie de ce petit monde des mathématiques.
En 1808, Napoléon est fortement intéressé par une expérience qu’on lui présente qui consiste à « dessiner » des formes géométriques avec de la musique (les figures de Chladni). Napoléon propose un prix à celui qui saura expliquer ce phénomène. Sophie remporte le concours et devient ainsi la première femme à recevoir un prix scientifique, décerné par l’Académie des Sciences. Elle est également la première femme à y être reçue (en dehors des épouses des savants).

Mais ses travaux furent souvent ignorés et peu publiés. Pourtant, ce sont bien les résultats de ses recherches sur l’élasticité de la matière qui contribueront à la construction de la Tour Eiffel.

Sophie meurt en 1831 ; le titre de mathématicienne ne figure pas sur sa tombe, son certificat de décès mentionnant simplement sa condition de rentière.

Un lycée et une rue de Paris portent son nom.

POUR EN SAVOIR PLUS :

https://www.franceculture.fr/recherche?q=sophie+germain

https://225.polytechnique.fr/225-histoires/sophie-germain.html

https://lejournal.cnrs.fr/articles/sophie-germain-une-pionniere-enfin-reconnue

les figures de Chladni : https://www.youtube.com/watch?v=QfowZ33u1Mw