Qui aurait reconnu dans le jardin des Tuileries au cours de la décennie 1910 une vieille dame habillée de noir qui regardait avec affection les enfants jouer (dont peut-être ma mère) puis en 1918-1919 allait avec le public saluer les poilus qui avaient récupéré l’Alsace et la Moselle perdues par son époux et par elle-même en 1870 ?
Anecdotiquement le prince impérial accompagné de son escorte se promenait dans les jardins des Tuileries, résidence d’Etat des souverains sous le Second Empire, lorsque des étudiants contestataires marchant rue de Rivoli chantaient la Marseillaise (futur hymne national en 1880 alors interdit), le jeune prince rentra peu après au palais entonnant ce chant au grand scandale de la cour.
Eugenia de Guzman Palafox, Portocarrero y Kirkpatrick, 10ème comtesse de Mora, 11ème comtesse de Banos, marquise de Moya, comtesse de Teba, comtesse de Ablitas y de Santa Cruz de la Sierra, vicomtesse de la Calzada, grande d’Espagne de 1ère classe, fille de l’un des rares officiers pro-français (afrancesado) durant la guerre d’indépendance espagnole de 1808-1813, fut introduite dans les salons parisiens dont celui de la princesse Mathilde rue de Courcelles en 1849 avec sa mère la comtesse de Montijo d’où son appellation en France : Eugénie de Montijo.
Le prince-président voulu la mettre dans son lit ce à quoi elle lui fit comprendre pas d’hôtel mais l’autel, et en conséquence il l’épousa en la cathédrale Notre-Dame de Paris le 30 janvier 1853.
27 ans plus tôt, elle naquit avant terme sous une tente dans le jardin de ses parents à Grenade le 5 mai 1826 tandis que la ville de Grenade subissait un tremblement de terre local obligeant à se protéger.
Elle ne donna naissance qu’à un enfant mais miracle dynastique ce fut un fils en 1856. Elle n’eut qu’un enfant car des problèmes de bassin risquaient de mettre sa vie en danger en cas de nouvelles grossesses.
Elle participa avec succès à la cause féministe aidant notamment Julie-Victoire Daubié (1824-1874) à être la première bachelière en France et soutint la peintre et sculptrice animalière Rosa Bonheur (1822-1899) à se faire connaître.
Elle fut l’hôtesse des célèbres séries de Compiègne et de Fontainebleau mais politiquement son intransigeance lui fit commettre de graves erreurs jusqu’à la guerre de 1870 qu’elle appela selon la légende « ma guerre », un an après s’être rendue en 1869 inaugurer le canal de Suez en représentation de l’empereur malade.
En exil en Grande-Bretagne chez son amie la reine Victoria à partir de 1871 elle perdit son époux en 1873 puis son fils tué par les Zoulous sous l’uniforme britannique et sa mère en 1879, elle se retrouva dès lors seule durant quatre décennies n’ayant pour famille que les enfants de sa sœur devenue duchesse d’Alba de Tormes (plus noble famille espagnole encore de nos jours).
Le prince impérial en exil connut une ébauche d’idylle avec la fille benjamine de la reine Victoria en la personne de la princesse Béatrice (1857-1944), si ce brillant prince avait survécu à l’âge de 23 ans, un jour, peut-être, y aurait-t-il eu des princes français petits-enfants de la reine Victoria et de l’empereur Napoléon III.
Elle a rejoint son époux et son fils en 1920 en la crypte de l’église Saint-Michel de l’abbaye de Farnborough, Hampshire près de Windsor alors que de nombreuses personnalités françaises souhaiteraient que les trois personnes symbolisant le Second Empire reposent en l’église Saint-Augustin, à Paris 8 édifiée à la demande de l’empereur Napoléon III pour devenir la nécropole de sa dynastie.