« Je suis le plus grand des peintres modernes » disait Gauguin de lui-même.
Et effectivement, il a créé un style mélangeant cloisonnisme et art primitif. Le cloisonnisme consiste à délimiter chaque couleur d’un épais trait noir. C’est un emprunt à la technique des vitraux qu’affectionnait Gauguin. Il est aussi un des premiers peintres à s’intéresser à la culture des peuples colonisés de l’époque, en l’occurrence la culture Maorie.
Ses travaux sur la couleur en font un précurseur du fauvisme (Delaunay, Dufy, Metzinger, …Franz Marc en Allemagne) et ses sujets traités de manière « primitive » en font un précurseur de l’art moderne et notamment de Braque et Picasso.
C’est donc un artiste charnière, totalement incompris en son temps et souvent encore aujourd’hui.
Pas de perspective traditionnelle dans ses tableaux, pas de couleurs convenues, pas de formes compliquées, pas même de dessin harmonieux. La lumière n’éclaire plus telle ou telle partie du tableau, elle varie d’intensité par le jeu de nuances plus ou moins claires ou sombres. Ce qui compte c’est la couleur ; c’est elle qui organise la structure du tableau. Et tant pis ou plutôt tant mieux si le Christ est jaune, le ciel orange et le chien rouge.
A Tahiti, Gauguin représente un pays idyllique…. destiné à faire rêver les français. Un peu à la manière de Pierre Loti (1850-1923) dans ses romans. Il veut encourager la nostalgie du lointain chez les bourgeois, ses futurs acquéreurs.
En peignant à la manière des maoris, Gauguin veut faire partager la sensation première qu’il a eu en découvrant leur art de vie simple et paisible, a mille lieux de la civilisation occidentale et de ses artificialités.
Et puis il y a sa vision d’une synesthésie. La nature et l’homme sont censés se confondre par le biais de coloris abstraits, mais aussi de mouvements qui renvoient à un rythme des formes, à une musique naturelle. Sa peinture doit être perçue par tous les sens, par tout le corps et pas uniquement par le regard.
Un sentiment de quiétude est donc censé toucher le spectateur afin de lui permettre de ressentir la grâce et l’étrangeté bienveillante de la nature telle qu’elle est décrite dans ses tableaux. C’est à la sensibilité du spectateur que Gauguin fait appel. Il faut rentrer dans un état quasi somnambulique pour apprécier ses œuvres.
D’autant plus que la vie quotidienne des Maoris est envahie de surnaturel, ce à quoi Gauguin est particulièrement sensible et qu’il a voulu transcrire.
Les personnages de ces tableaux ne sont plus des individus ; ils sont les exemples, les symboles d’une vie de paix et d’harmonie. Gauguin a sans cesse recherché la représentation de cette vie. Faire ressortir l’individualité humaine comme le fait le tableau européen n’a donc aucun sens pour lui.
Pour Gauguin la nature n’est pas l’outil de l’homme, mais son partenaire. L’épanouissement de toutes les créatures au sein de la nature est la félicité suprême.
Le désir de devenir lui-même un sauvage ne s’est pas réalisé. Missionnaire à l’envers il voulait se faire convertir par eux. D’une certaine manière, un écologiste avant l’heure.
Pour aller plus loin :
De l’impressionnisme à Tahiti : Gauguin, la peinture par la couleur (connaissancedesarts.com)